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Adieu à Youcef

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Nous étions très nombreux à l’Asphodèle pour rendre hommage à Youcef Aït-Abdelmalek qui nous a quittés à l’âge de 87 ans. Nous étions nombreux et c’était justice. Nous étions là pour entourer sa famille de notre soutien amical face à la douleur de la séparation. Nous étions là aussi pour Youcef lui-même pour ce qu’il a été et ce qu’il restera dans nos mémoires.

Modeste et généreux

Ceux qui l’ont connu garderont le souvenir d’un homme d’une grande modestie, et d’une générosité sans bornes. Beaucoup de Questembertois ont des anecdotes pour le confirmer, ne serait-ce que les méchouis qu’il a cuisinés avec ses copains. Pour moi, il a été un ami fidèle qui n’oubliait jamais de m’adresser ses vœux au début de chaque année. En juillet 1995, alors que, se sentant déjà un peu fatigué, il ne faisait plus de méchoui, il m’avait dit : «  J’ai arrêté, mais pour toi, je vais m’y remettre », et nous avions passé une journée extraordinaire avec la famille et les amis proches, grâce à lui.

Au-delà de ces souvenirs familiers, il faut aussi souligner son adhésion à nos valeurs, aux valeurs de la République ; par exemple il participait aux cérémonies patriotiques et singulièrement à celle du 19 mars, pour la commémoration du cessez-le-feu en Algérie. Et pourtant, cela devait pour lui raviver des souvenirs brûlants et des blessures profondes.

Fraternité

Et dans les 3 mots de la devise républicaine, Liberté, Egalité, Fraternité, c’est probablement le mot fraternité qu’il pratiquait le plus. Il savait accompagner les amis dans les bonheurs et dans les deuils : récemment encore, il participait à l’enterrement d’un ami joueur du boulodrome.

En témoigne cette scène très forte dont j’ai gardé le souvenir. Nous assistions à des obsèques, après le décès brutal d’un adolescent d’une famille avec laquelle il avait des liens solides. Et voilà Youcef qui conduit le convoi funèbre en portant la Croix. «  Nos deux religions se ressemblent, disait-il, elles prônent toutes deux l’amour du prochain et le respect de la justice. »

Aussi vous ne serez pas surpris qu’un jour le curé m’ait dit : «  Si la famille me le demandait, j’ouvrirais l’église pour son enterrement ; il y serait bien plus à la place que beaucoup d’autres. »

Sa profonde humanité restera dans notre mémoire. Avec son épouse, avec ses enfants et petits-enfants, nous partageons leur peine. Mais au-delà du chagrin, ils sauront faire fructifier son héritage moral, et garder fidèlement les valeurs qu’il a sur inculquer, ce sera le plus bel hommage à rendre à cet homme bien.

Le témoignage et l’analyse de son fils Ali

Professeur de sociologie à l’université de Haute-Bretagne Rennes II, Ali a retracé la vie de son père, en y portant à la fois le regard respectueux du fils et l’observation scientifique de l’universitaire. Comment le paysan de Petite Kabylie, plébiscité comme maire de sa commune, médiateur entre les forces françaises et ses concitoyens, a pu se retrouver dans un coin perdu de Bretagne, y mener une nouvelle vie et s’y intégrer complètement sans se renier, telles sont les questions complexes auxquelles Ali a voulu répondre.

Voir ici en fichier joint l’allocution d’Ali

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Ali parle de son père

L’intégration par l’école de la République

Après un premier emploi, aux Volailles Vendéennes, à la gare (là où se trouve le siège de la Communauté), puis un autre aux Plastiques Modernes à la Croix-Galle, Youcef est recruté aux services techniques du Collège des Buttes, où il travaillera sous l’autorité d’André Galerne, et de Jean Gourhand. Professeur au collège, André Lamoure a eu tous les enfants de Youcef dans ses cours de Français. Il a voulu témoigner de sa volonté d’intégration en citant ce qu’il confiait à son ami André Galerne : « Ici, à Questembert, j’ai été accueilli par des gens qui ne me connaissaient pas. Maintenant, je suis chez moi, et je fais comme les autres. Moins que quiconque je ne dois pas m’exposer aux reproches.  » André Lamoure a souligné la soif d’apprendre inculquée à ses enfants. « Il vous a ouvert la voie de la laïcité, un mot dont on parle beaucoup aujourdhui mais que lui a su vivre et faire vivre. »

Voir ici le témoignage d’André Lamoure

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En mémoire de Youcef, par André Lamoure

Ses amis d’Algérie, ceux de la FNACA

Deux de ses amis d’Algérie étaient présents et ils ont rappelé les liens tissés avec Youcef dans leurs missions dans les Sections Administratives Spécialisées. Il s’agissait de développer l’organisation administrative : assistance médicale, scolaire. dans un pays. M. Huriez et M. Poligné ont souligné le rôle de Youcef, médiateur indispensable dans leurs relations avec les habitants des villages. De retour en France, ils ont gardé des liens avec lui et ils se retrouvaient chaque année à la cérémonie d’hommage aux harkis.

A Questembert, Youcef a rejoint les rangs de la FNACA (Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie) et, en l’absence du président Gildas Burban, c’est Michel Moureaud qui a salué la mémoire de leur ami. « En arrivant à Questembert, Youcef avait eu la surprise de retrouver Michel Allaire, chauffeur du capitaine de la compagnie du Génie où il servait. Michel avait eu souvent l’occasion de conduire Youcef, maire de la commune, dans ses déplacements vers les hameaux éloignés. »

Derniers mots partagés de Myriam

Après l’allocution de Mme Martin qui se demandait qui n’avait pas partagé le méchoui avec Youcef (!), Myriam, la plus jeune des enfants, a parlé avec beaucoup de tendresse, de son cher papa. « Mon papa, c’était un homme qui aimait parler de la vie avec sagesse, des hommes avec respect, de la bêtise de l’être humain avec tristesse ».

Voir ici les mots tendres de Myriam.

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Les mots tendres de Myriam pour son papa
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Youcef à la flûte, une image intime

Publié le mercredi 11 février 2015, par Paul Paboeuf.




Post-scriptum

Un texte qui ne le quittait jamais :
« Ton Christ est juif, ta voiture est japonaise, ta pizza est italienne et ton couscous est algérien (et, il était très fier du choix du pays dans cet aphorisme !). Ta Démocratie est grecque, ton café est brésilien, ta montre est suisse, ta chemise est indienne, ta radio est coréenne, tes vacances sont turques, tunisiennes ou marocaines. Tes chiffres sont arabes (et là encore, il lisait en insistant sur cette idée, au demeurant si juste !), ton écriture est latine.
Et….. Tu reproches à ton voisin d’être un étranger ! »

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