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Commerces, centres-villes, emplois, etc.

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Le 24 juillet, Ouest-France titrait Péril sur les commerces des centres-villes. Et le chapeau de l’article sous une photo alarmante disait : Le phénomène est national, durable et il s’aggrave ; les fermetures de commerces se multiplient au cœur des villes. Plusieurs raisons à cela : la crise, le manque d’accessibilité, la concurrence des zones commerciales, la flambée des loyers. Cette situation inquiète les maires et les habitants.

De son côté, le président de la CCI, M. Jean-François Le Tallec, dans l’éditorial du magazine Entreprendre en Morbihan, prêche pour le « retour du bon sens » en matière d’urbanisme commercial. Et parmi les principes simples qu’il veut retenir, il faut noter : conforter les centres-villes, les centres bourgs, la desserte de proximité.

Se battre contre des moulins à vent ?

Face aux vœux pieux du président de la CCI (mais on y reviendra plus loin), l’analyse développée par Ouest-France, sur 4 colonnes et 2/3 de hauteur de page !, est sans appel : la tendance est forte, il y a de moins en moins de commerces en centres-villes et les villes petites et moyennes sont les plus touchées. Est-il possible d’inverser la tendance ? Rien n’est moins sûr : les actions menées ne font que retarder l’échéance. Les habitants font pression sur les municipalités pour avoir des commerces de proximité. Et l’article cite la ville d’Alençon, préfecture de l’Orne, 27 000 habitants, au cœur d’une agglomération de près de 60 000 habitants : la ville a créé un poste de « manager de ville ». Qu’une ville de cette importance soit obligée d’intervenir dans ce domaine est révélateur du malaise. D’ailleurs, les manageurs de ville sont la plupart du temps recrutés dans des villes moyennes, parfois même dans des grandes villes. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes, ni des investissements financiers.

La crise économique conduit à réduire la consommation, et au minimum, à chercher le meilleur prix qui est souvent le premier atout des commerces des périphéries. D’autant que, quoi qu’on fasse, les centres-villes ne sont pas aussi accessibles : on y trouve rarement les immenses parkings qui entourent les zones commerciales ! Ajoutez à cela la cherté des loyers pratiqués par les propriétaires de pas-de-porte au cœur des villes.

De vraies pistes d’action ?

Pour garder des commerces de proximité et en attirer d’autres – c’est bien un objectif politique d’aménagement - la marge d’action de la commune est réduite, quoi que pensent certains. La première idée qui vient à l’esprit et la première revendication des commerçants comme des clients concerne les parkings. Mais, sauf à être de mauvaise foi, le nombre de places au centre-ville est supérieur à ce qu’on trouve dans des villes comparables. D’ailleurs, l’étude globale des déplacements le confirme clairement. Evidemment, il doit en manquer les jours de marché ou les jours de vide-grenier !

Le besoin de parkings en centre-ville est moins crucial... si les consommateurs sont incités à utiliser d’autres modes de déplacement : qu’il soit plaisant et commode de venir au centre à pied ou à bicyclette. Cela passe également par l’amélioration de la qualité des espaces publics. L’exemple le plus récent se voit dans la réhabilitation de l’hyper-centre, mais doit-on pour cela oublier ce qui a été fait sur la place de la Libération, la place du 8 mai, ou encore la rue du Pont-à-Tan, le jardin Belmont ? Le reconfiguration du square du 19 mars ou la création du Pré-des-Garçailles vont dans le même sens.

Pour assurer la vitalité des commerces de centre-ville, il faut aussi agir sur l’habitat : garder des habitants, c’est un premier objectif, en amener de nouveaux, c’en est un autre. Ceux qui protestent avec véhémence contre la densification de l’habitat feraient bien d’y réfléchir. Les premiers clients des commerces de centre-ville sont bien sûr ceux qui y vivent ou peuvent s’y rendre à pied.

Droit de préemption sur les fonds de commerce, un outil efficace ?

La création du droit de préemption sur les fonds de commerce (loi Dutreil 2005) a créé des illusions : la commune qui décide de préempter sur un fonds de commerce dispose d’un an pour trouver un preneur... Et ce n’est pas gagné. Quel intérêt y aurait-il pour une commune comme la nôtre à préempter sur un fonds de commerce de... bourrelier, s’il en existait encore un ? Que chacun se choisisse un exemple pertinent en cherchant dans ses souvenirs les commerces qui ont disparu depuis trente ans dans notre petite ville : l’épicerie-mercerie des demoiselles X, les bonbons et pochettes-surprises de Mme Y, le magasin cadeaux-journaux-livres-bibelots (etc) de Mme Z.

Modes de vie, mobilités, modes de consommation

Par le petit bout de la lorgnette, ces exemples donnent une idée du changement de nos modes de vie, de nos modes de consommation. Deux transformations radicales ont transformé notre univers : l’expansion du temps libre et l’extension des distances de déplacement, avec en particulier la voiture individuelle. Dès lors qu’il monte dans sa voiture, le consommateur va « prendre le temps » d’aller faire ses achats assez loin , sans être captif d’un périmètre restreint.

Cependant, face à la massification de ces comportements, apparaissent çà et là des nouveaux modes de consommation, encore à la marge, mais qui peuvent être prometteurs pour des commerces de proximité : les circuits courts, les marchés de producteurs, les AMAP. Cependant, on est encore bien loin d’un modèle généralisable, tant que sur le plan économique que sur le plan culturel.

Et l’emploi ?

Ce n’est pas une affaire d’opinion, c’est un fait avéré : le commerce, au sens large, a contribué formidablement à la création d’emplois. Pas toujours bien payés, souvent à des temps partiels non choisis... Mais, dans ce domaine comme dans bien d’autres, gardons de l’illusion d’un paradis perdu : les « bonnes » et les commis des boutiques d’autrefois avaient sûrement une vie plus dure – il en reste des témoins aujourd’hui encore.

Il est vrai qu’il n’y a plus de commis bourrelier, pas plus qu’il n’y a de gardes-barrières à la SNCF. Les métiers ont changé, l’activité s’est déplacée. Une étude du CREDOC sur l’agglomération de Caen le montre très clairement : les emplois de commerces ont baissé dans le centre-ville mais se sont largement développés en périphérie, avec, au total, une très forte augmentation.

De la concertation sur l’avenir du commerce ?

Ce serait, selon le président de la CCI, « la voie de l’efficacité, donc celle du bon sens ! » Il faut, dit-il une réflexion collective pour donner de la cohérence à la desserte commerciale. Sans doute, mais pour que la réflexion soit rigoureuse, pour que la concertation soit équitable, il faut aussi, je crois, de la confiance, de la transparence. Il faut par exemple éviter de nier l’évasion commerciale d’un côté et s’en effrayer quand elle risque de vous toucher de plus près. Et quand je lis qu’il faut moderniser et densifier le tissu existant, je comprends que l’objectif est de protéger les situations acquises et de renforcer la domination de quasi-monopoles... Aux dépens du pouvoir d’achat des Questembertois.

Publié le samedi 24 août 2013, par Paul Paboeuf.

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