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Haro sur les impôts

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Encore les impôts ?

Ouest-France en fait un titre à la une sur quatre colonnes : « Cinq ans de hausse : chère taxe foncière. » La date est bien choisie à quelques jours de la limite pour payer au percepteur. L’UNPI (Union Nationale de la Propriété Immobilière) a mené une belle opération de communication, relayée sans trop de regard critique par une bonne part de la presse ; et la conclusion tombe sous le sens : il faut bloquer les taxes foncières !

La Une qui fait peur
La Une qui fait peur : algues vertes et impôts

Additionnons les choux et les carottes

A y regarder de plus près, les communicants de l’UNPI ont additionné sans vergogne les augmentations de taux votées dans les collectivités et le taux annuel de revalorisation décidé par l’Etat, qui neutralise l’inflation. En clair, si la commune n’a pas bougé ses taux, le montant de la taxe foncière a quand même augmenté de 9,43 % en euros courants. Mais si on retranche l’effet de l’inflation, en euros constants donc, la facture n’a pas bougé ! La note explicative se trouve dans le fichier pdf, que la plupart des journaux signalent quand même (quelquefois, ils se contentent de pointer vers le site de l’unpi), « même si une commune a reconduit les mêmes taux, la cotisation de taxe foncière aura augmenté de 9,43 %. » A voir ici, la fiche est en tête de chaque page départementale. Dès lors, il était facile de trouver des augmentations faramineuses, effrayantes, justifiant le titre d’un grand magazine économique : « Les taxes foncières flambent, les bailleurs réclament le blocage. » Manifestement, aucun journaliste n’a pris la peine d’aller vérifier. Sinon, il faut dire que leur présentation des faits est au moins orientée, pour ne pas dire malhonnête.

Un gros pourcentage d’un petit nombre, ça ne fait pas encore beaucoup !

Un peu plus d’approfondissement aurait conduit à ne pas se contenter des pourcentages d’augmentation des taux d’imposition. D’abord une augmentation de 10 % d’un taux bas peut n’avoir qu’un effet marginal ; par exemple, le taux de TH de la Ville de Paris a pris 9,27 % en une année, et la taxe est passée de 7,75 % à 8,37 %. Comme les élus parisiens ont décidé plusieurs augmentations successives, peut-être pour financer le tramway, l’augmentation entre 2006 et 2011 est de (+67,90%) à cause de la création d’un taux départemental. Malgré tout, les taux cumulés de la capitale restent parmi les plus bas des grandes villes.

Taux et bases

Est-ce à dire que les Parisiens paient moins d’impôts que les Angevins dont le taux communal a grimpé de près de 33 % ? Les données diffusées par Bercy permettent de comparer facilement le prélèvement par habitant : pour Paris, cela fait un total de 413 € par habitant, à comparer avec la facture payée par un habitant d’Angers : 366 € ! A voir ici

Haro sur les impôts, et les collectivités locales

La cible de cette campagne est claire : d’abord les collectivités locales. Pour la principale organisation de propriétaires-bailleurs, « il faut que les collectivités locales bloquent les taux » car celles-ci sont responsables, à égalité avec l’Etat, de la moitié de la hausse. Oui l’Etat, quand même, sauf si on explique un peu le texte : il faudrait que l’Etat s’abstienne de relever les bases au rythme de l’inflation ! Car, tout bon économiste vous le dira, l’Etat a tout à fait le pouvoir d’annihiler l’inflation. Les mêmes bailleurs demandent sans doute aux villes et aux agglomérations de maintenir ou de développer les services offerts, qui contribuent à maintenir ou à accroître la valeur de leurs biens. Mais là, c’est normal, n’est-ce pas ?

Le refus de l’impôt

Globalement, l’opération de communication se fonde sur l’idéologie répandue par les libéraux : sus à l’impôt !

Un des exemples cités par Ouest-France est assez éclairant : un jeune chef d’entreprise breton de 32 ans a acheté 3 appartements en 2009 et 2011, un T1bis, un T2 et un T3, qu’il loue à des étudiants. Il dit lui-même que les loyers couvrent les crédits ; traduisons que les loyers viennent financer son patrimoine. Il a 32 ans, il peut s’acheter 3 appartements à Rennes, cela veut dire qu’il a des revenus élevés... et que probablement, il a  défiscalisé, sans doute avec du Scellier. Faut-il rappeler que, selon la Fondation Abbé Pierre, un logement défiscalisé Scellier coûte aux finances publiques plus de 60 000 euros.

Espérons pour cet investisseur qu’il a choisi d’investir auprès d’une station de la future ligne de métro. On m’a dit qu’il y avait de jolis coups à faire, car la plus-value devrait être juteuse, quand la nouvelle ligne viendra desservir le quartier.

Mais au fait, qui va financer cette nouvelle ligne de métro ? Tous les autres : les entreprises par le versement transports, et ceux qui paient la taxe foncière et la taxe d’habitation ; oui tous les autres, sauf lui, car vraiment ces impôts locaux sont insupportables comme le dit, dans son interview, le président de l’UNPI qu’on peut lire ci-dessous.
Le pauvre investisseur rennais
L’exemple rennais

Pigeons ou vautours ? En tout cas, ils nous prennent pour des buses

Le lobbying de l’UNPI, dans sa forme, est traditionnel, à la différence du mouvement des pigeons qui s’est développé sur la toile ! Mais ces messieurs (dames ?) nous prennent vraiment pour des buses. Passons sur le fait que bien sûr ils ont bénéficié de tous les avantages de notre société, et en particulier du système éducatif : même les boîtes privées qui facturent la scolarité en profitent, elles font seulement encore un peu de gras autour ! Mais plus prosaïquement, contrairement au buzz ils ne seront pas imposés systématiquement à 60 % en cas de vente d’entreprise ! Le calcul est compliqué, comme tout ce qui sort de Bercy, mais les 60 % ne s’appliquent qu’au bout du bout. Le calcul de 60 % sonne bien, mais il est faux, comme le montre Denis Clerc sur Alternatives Economiques (à lire ici).
Et cela concernerait, si mes informations sont justes, quelque 300 personnes en France, oui 300 individus !!!

C’est clair, ces pigeons nous prennent pour des buses, et si nous les croyons, nous serons les dindons de la farce.

Xavier Gorce, dans le Monde, les indégivrables
Un petit dessin du Monde

Publié le dimanche 21 octobre 2012, par Paul Paboeuf.

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