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Il était une fois (sur deux) la culture

Les événements culturels pour enfants à Questembert sont réduits de moitié

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Le festival Festi’Mômes et le Salon du livre jeunesse de Questembert sont des évènements culturels majeurs, reconnus dans le département et bien au-delà. Le 15 décembre dernier, le conseil communautaire a décidé de ne plus les organiser qu’un an sur deux, au grand désespoir des parents du Pays de Questembert. Une question d’argent ? Une décision de saine gestion en ces temps de réduction des dotations ? À voir...

Jusqu’à l’année dernière, lorsqu’il a pris sa retraite, Michel Bélair était un des journalistes culturels du grand quotidien montréalais Le Devoir. Fin 2012, je l’avais croisé par hasard à la sortie d’un spectacle de Festi’Mômes, surpris qu’un Nord-Américain se déplace jusqu’à notre petite ville morbihannaise. Il m’avait alors expliqué qu’un tel festival pour enfants, avec une telle qualité de programmation, une telle implication de la collectivité et une telle fréquentation, était inimaginable au Canada, a fortiori en milieu rural. Plus tard, j’avais lu l’article qu’il avait fait paraître : «  Questembert abrite une Médiathèque à faire fondre de jalousie, un cinéma où le répertoire a une place de choix et une grande salle de spectacles polyvalente, l’Asphodèle, qui peut accueillir presque 400 spectateurs. [...] C’est ce que l’on appelle une vision de la vie en commun, un véritable plan de gestion municipale incluant la culture, une denrée particulièrement rare chez nous quand on sort des grands centres. »

Voir ici, parmi d’autres, un article de Michel Bélair La Culture, un choix politique

S’il lui prenait l’envie de revenir à Questembert, Michel Bélair n’aurait sans doute pas les mêmes mots. Entre-temps, le budget d’acquisition de livres de la médiathèque a été réduit de 17% et Mme le maire parle de l’Asphodèle comme d’un « grand théâtre vide ». Quant au Salon du livre et à Festi’Mômes, ils viennent d’être restreints à une année sur deux...

Salon du livre et Festi’Mômes : monuments en péril

Le Salon du livre jeunesse de Questembert existe depuis 2000. Organisé par la Médiathèque de Questembert avec le soutien de la communauté de communes, il comprend une partie « animation » pour les enfants, notamment avec des auteurs invités qui se rendent dans les classes des écoles du territoire, et une partie « commerciale », sous les halles, où les librairies et éditeurs présentent des milliers d’ouvrages et où des auteurs et illustrateurs rencontrent les lecteurs et dédicacent leurs livres. Expositions, conférences, spectacles et ateliers sont aussi au rendez-vous.

Chaque enfant scolarisé dans une école maternelle ou primaire du territoire reçoit un chèque-livre de 8 euros, offert par la communauté de communes, et utilisable lors du salon. Cette année, comme les années précédentes, les Halles ont accueilli 5000 visiteurs, sans compter les 2000 scolaires.

Festi’Mômes existe depuis 2005. Organisé par la communauté de communes en partenariat avec l’association Nova Villa, ce festival propose des spectacles pour enfants variés (théâtre, musique, danse, etc.) et de qualité, présentés par des troupes françaises ou étrangères. Les représentations sont données dans différents lieux du territoire. Chaque année, Festi’Mômes rassemble quelque 2000 spectateurs. Et ce succès ne se dément jamais : les spectacles sont toujours joués à guichet fermé ! Les enfants (et leurs parents) qui y ont assisté gardent encore un souvenir impérissable du fameux White, qui nous a rendu visite à plusieurs reprises.

Petit Opus (Festi’Mômes 2014)

Parlons argent

Le conseil communautaire du 15 décembre a voté à la majorité (trois votes contre [1] et huit abstentions, quand même) pour le passage de ces deux événements à un rythme biennal. André Fégeant, le président de la communauté, a justifié cette décision par le coût trop élevé que Festi’Mômes et le Salon du livre jeunesse représenteraient pour les finances publiques, en citant le chiffre de 100.000 € par an. Et en ajoutant que « c’est de l’argent qui nous sera utile ailleurs… » (sans autre précision).

Les gros chiffres ronds, c’est toujours impressionnant. Cent mille euros, ce n’est pas rien. Mais encore faut-il savoir de quoi on parle.

Cent mille euros ? On en est assez loin...

D’abord, la communauté de communes ne dépense pas du tout 100.000 € par an pour ces deux événements. On en est même assez loin.

Pour le Salon du livre, la part de la communauté de communes dans le budget prévisionnel (en 2014) s’élève à 35.939 €, dont les deux tiers (22.792 € très exactement) consistent en chèques-livres pour les enfants. Mais ces chèques-livres ne sont pas tous utilisés : seuls 75 % sont réellement encaissés, ce qui signifie que le coût réel des chèques-livres (toujours en 2014) n’est que de 17.000 €. Le montant dépensé par la communauté est donc plutôt de l’ordre de 30.000 €.

Pour Festi’Mômes, le budget s’élève à 70.000 €, mais la communauté bénéficie de plusieurs subventions directement liées à l’organisation du festival : 6.000 € de la CAF, 8.000 € du Conseil général, 7.000 € du Conseil régional. Sans compter la vente de billets : même s’ils sont très peu chers, la billetterie représente quand même 3.500 €. Au total, ce sont donc 25.000 € qui entrent dans le budget et la communauté de communes n’est en réalité tenue de payer que 45.350 €.

Si l’on fait le total des deux montants, on arrive à 75.000 €. Un quart de moins que ce qu’a annoncé M. Fégeant.

Budget prévisionnel de Festi’Mômes 2014

Un coût par habitant dérisoire

Allons un peu plus loin. Que représentent ces 75.000 € si on les rapporte à la population du territoire ? Autrement dit, que coûte à chaque habitant l’organisation de Festi’Mômes et du Salon du livre ?

Nous sommes environ 22.000 habitants sur le territoire. En divisant 75.000 € par 22.000, on obtient 3,40 € par habitant et par an. 3,40 € par habitant pour que tous les enfants de toutes les écoles maternelles et primaires de toutes les communes du pays de Questembert aient accès à des spectacles de qualité pendant une dizaine de jours, aient la possibilité de rencontrer des écrivains et des illustrateurs, et puissent acquérir un livre gratuitement.

En diminuant de moitié la fréquence des deux festivals, le Conseil communautaire permet donc à chaque habitant d’économiser 1,70 €.

Une économie pas si évidente qu’il n’y paraît...

Une autre question intéressante : où vont-ils, ces 75.000 € ? Eh bien, pas très loin : en partie dans la poche des commerçants, artisans et petites entreprises du territoire. Pour les deux librairies de Questembert, le week-end du Salon est LE gros week-end de l’année. Les propriétaires de gîtes et d’hôtels (pour l’hébergement des artistes), les restaurateurs, les traiteurs, les techniciens, les agents de surveillance, les imprimeurs, etc. ne sont pas en reste. Et n’oublions pas que la communauté dans son ensemble, par l’intermédiaire des chèques-livres utilisés, s’est collectivement enrichie de l’équivalent de 17.000 € en livres.

Igen (Festi’Mômes 2014)

Un choix de société : la culture pour tous ou... quoi ?

En décidant de priver la population de deux événements culturels majeurs une année sur deux, le conseil communautaire va faire économiser 1,70 € chaque année à chaque habitant du territoire.

Que propose-t-il à la place ? On ne sait pas.

S’agit-il d’une décision de saine gestion des finances publiques ? Ou d’un choix idéologique fait sur le dos des enfants ?

Publié le vendredi 19 décembre 2014, par Stéphane Batigne.




Post-scriptum

Il est aussi intéressant de noter qu’en cessant d’organiser Festi’Mômes une année sur deux, le Conseil communautaire fait en sorte que L’Asphodèle, le Palis Bleu et les autres salles de spectacles du territoire ne seront plus aussi bien utilisées qu’elles le pourraient, qu’elles le devraient. Mme le Maire aura alors beau jeu de parler d’un « grand théâtre vide »...


[1dont Paul Paboeuf, qui a dénoncé vigoureusement cette décision.

Messages

  • Nos enfants, bientôt quadragénaires, ne bénéficiaient certes pas directement du salon du livre. Mais, l’occasion faisant le larron, nous ne manquions jamais de profiter de cet événement pour faire cadeau de livres à nos petits-enfants. Et ceci sans chèque-livre... Nous rencontrions d’ailleurs, sous les Halles, d’autres Papis/Mamies guidés par la même idée.
    Nul doute, cependant, que les soupes et autres vins chauds servis à profusion ne viennent efficacement compenser pour nos libraires le manque à gagner causé par cette décision courageuse.
    Nos petits-enfants ne profitaient pas non plus de Festi-Mômes et pourtant, allez savoir pourquoi, nous n’arrivons pas à nous réjouir pleinement de l’économie substantielle réalisée grâce à la vigilance de nos élus.

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  • Deux magnifiques outils de la vie locale viennent donc d’être ébranlés
    ces derniers jours : le salon du livre et Festi’Mômes.
    Ces deux évènements avaient atteints maintenant leur maturité, ils étaient bien rodés en ce qui concerne leur organisation et la population y répondait avec enthousiasme.
    Je ne peux pas accepter comme bonne raison le coût financier : ces deux évènements cumulés représentent une charge pour chaque habitant du territoire inférieure à 3€ ! Par contre, en terme de retombées, d’aura pour le territoire, cela pouvait déjà se mesurer : Questembert est la ville qui bougeait dans le Morbihan !
    >
    > Une autre remarque importante sur la vie du territoire : la culture
    permet de faire se retrouver les habitants. Sur la
    communauté de communes c’était l’évidence même : ces deux rendez-vous étaient le ciment qui soudait les communes, ils donnaient l’occasion d’aller dans les autres communes et ainsi de renforcer notre identité, notre solidarité. Nous allons maintenant cohabiter les uns à côté des autres, sans partager de moments festifs nécessaires à la vie de tout un chacun. Quels évènements les remplaceront ?
    >
    > Concernant la vie municipale je n’ai pas entendu parler de concertation de la population sur ces sujets. J’avais cru comprendre que la nouvelle équipe s’appuierait sur la consultation de la population pour prendre ses décisions. Je n’ai rien vu passer ! Pour la ZAC du Centre ou le cimetière j’en ai entendu parler, les animations phares de la ville seraient-elles d’importance moindre ?

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