LIBRES ECHANGES
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Se sentir Européen ne va pas de soi. Se dire Français ou Italien, Breton ou Sicilien semble plus naturel. C’est normal : l’Europe est une « construction » selon l’expression consacrée. En retour cela laisse entendre qu’elle n’existe pas tout à fait.
Longtemps elle a bénéficié d’évidences. Celle de la paix car le souvenir de la guerre était vivant. Celle de la liberté car des dictatures voisines le rappelaient. Celle de la prospérité car il suffisait de comparer avec les pays d’au-delà du rideau de fer. Celle de la sécurité car la menace était clairement identifiée en URSS.
Tout cela s’estompe, s’éloigne ou disparaît. Qu’en pense un jeune de 18 ou 20 ans ? Il avait un an quand le Mur de Berlin est tombé, deux quand l’Allemagne s’est réunifiée, trois quand l’URSS a disparu. Pour lui, la paix est assurée, la liberté garantie, la démocratie installée, la menace éliminée.
Comment alors entretenir la flamme européenne ? Comment forger une conscience européenne, bâtir un sentiment d’appartenance commune, un « vivre ensemble européen » ? Des institutions nouvelles n’y suffisent pas, que le traité de Lisbonne soit qualifié de simplifié pour les uns, compliqué pour les autres. Tous nos programmes actuels ou antérieurs n’y répondront pas, qu’il s’agisse du charbon et de l’acier en 1951, du commerce en 1957, de l’agriculture en 1962, de la monnaie en 1992, même d’Airbus ou de Galiléo. Une « conscience européenne » se façonne dans le cœur des peuples. Il faut faire leur connaissance, les rencontrer, les comprendre, plonger dans les douleurs de leur histoire, valoriser l’apport de chacun à notre Union, se défaire de l’idée que l’Europe doit être le prolongement de sa propre patrie, ou le substitut d’un empire déchu.
Pour l’avenir, il n’y a qu’une bonne méthode pour y parvenir : accentuer la mobilité en allant les uns chez les autres et développer les échanges. Jacques Delors, Président de la Commission Européenne de 1985 à 1995, a compris tout de suite cet enjeu. En février 1986, le traité sur le marché unique est signé. En décembre 1986, au sommet européen de Londres, il propose d’ajouter des politiques culturelles à ce projet de grand marché. C’est là qu’est né Erasmus, du nom de cet humaniste de Rotterdam, mort en 1536, 450 ans plus tôt. Lui même avait légué sa fortune à l’Université de Bâle, pour faciliter la mobilité des étudiants en Europe. Le programme sera retenu au Conseil européen le 15 juin 1987. En terme d’année universitaire c’est son 20ème anniversaire.
Les Etats Européens n’ont pas été enthousiastes au début avec les arguments classiques : ce n’est pas une compétence prévue dans les traités et ça coûtera cher ; les Universités accueillent déjà des étudiants, donc inutile de faire doublon. Un peu de ténacité et beaucoup de volonté ont emporté la décision. En 20 ans, 1,5 million d’étudiants ont perçu une bourse Erasmus. En 2005, il y en a eu 144 000 soit 1% de la population étudiante totale. Jacques Delors prévoyait 10% par an. On est donc loin du compte et le montant de la bourse est souvent insuffisant selon le pays d’accueil. Restons positif : pour 2013, la Commission prévoit de doubler le chiffre d’1,5 million.
D’autres programmes d’échanges existent et méritent le même encouragement. « Comenius » pour la coopération entre les écoles, « Léonardo da Vinci » pour la formation et l’enseignement professionnel, « Grundtvig » pour l’éducation permanente non professionnelle des adultes, « Jeunesse en action » pour la population de 13 à 30 ans afin de l’ impliquer dans la construction de l’avenir de l’Europe. De plus, le programme « jumelages » complète ce dispositif. Ces jumelages méritent d’être salués à titre de pionniers pour nouer des liens d’amitiés entre tous nos peuples.
Enfin, depuis le 1er janvier, l’Union européenne est présidée par la Slovénie.
C’est une petite nation, la première à avoir rejoint l’Euro après son adhésion, comme Malte et Chypre désormais. Elle est balkanique mais non loin de l’Italie et de l’Autriche. Elle a connu la Fédération Yougoslave et a le souvenir de l’Empire Austro-Hongrois. Comme tout pays qui préside l’Union pendant 6 mois, elle a fixé son programme. Il ne faut pas qu’il soit occulté dans l’attente de la présidence française qui suivra. Parmi ses priorités, elle a inscrit la promotion du dialogue interculturel. L’année 2008 elle-même sera mise sous ce signe dans toute l’Europe.
Dans le journal « Le Monde » du 28 décembre 2007, Thomas Férenczi rappelle cette phrase de Ghandi extraite d’une brochure officielle de la présidence slovène : « aucune culture ne peut vivre si elle prétend être exclusive ». Il suffit de rappeler ce que disent les slovènes eux-mêmes quand ils chantent leur hymne national :
« Vivent tous les peuples qui aspirent à voir le jour,
Où, là ou le soleil suit son cours,
La querelle du monde sera bannie,
Où tout citoyen sera libre enfin,
Et pas un ennemi,
Mais le frontalier sera voisin »
Publié le lundi 18 février 2008, par .