Accueil > Politique > Le terreau où fleurit le populisme

Le terreau où fleurit le populisme

    Partager : sur Facebook, sur Twitter, sur Google+.

Ils s’étonnent, ils se scandalisent, ils déplorent la montée du populisme, de l’extrême-droite, etc. Larmes de crocodile, regrets hypocrites : depuis 30 ans ou presque, ils ont, chacun à leur façon, engraissé le fumier qui a nourri les racines du populisme.

Pauvres et immigrés : boucs émissaires tout désignés

Vous pouvez vous demander comment les électeurs du centre Morbihan ont pu s’alarmer du danger supposé de l’immigration, thème rabâché jusqu’à plus soif par le FN. Mais Chirac avait donné le ton dès 1991 dans son discours d’Orléans avec cette terrible expression : « le bruit et l’odeur ».

Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d’or où je me promenais avec Alain Juppé il y a trois ou quatre jours, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! [applaudissements nourris] Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur [rires nourris], eh bien le travailleur français sur le palier devient fou.

Plus près de nous, le 5 octobre 2012, à Draguignan, Copé, candidat à la présidence de l’UMP, voulant illustrer le racisme anti-blanc, invente cette histoire du pain au chocolat arraché par des voyous sous prétexte qu’on ne mange pas pendant le ramadan.

« Il est des quartiers où je peux comprendre l’exaspération de certains de nos compatriotes, père ou mère de famille, rentrant du travail le soir, apprenant que leur fils s’est fait arracher son pain au chocolat par des voyous qui lui expliquent qu’on ne mange pas pendant le ramadan »

Si les immigrés sont les premiers visés, chômeurs, pauvres et précaires sont aussi désignés comme responsables de nos maux. C’est Wauquiez, de la droite sociale (on ne rit pas !), qui parle du « cancer de l’assistanat » et contribue à accréditer la fable de la famille qui vit mieux des aides diverses que celle qui travaille pour le smic.

« Aujourd’hui, un couple qui ne travaille pas, qui est au RSA, en cumulant les différents système des minima sociaux, peut gagner plus qu’un couple dans lequel une personne gagne un smic. Ce n’est pas logique, c’est la société française qui tourne à l’envers. »

Peu à peu, le venin de la haine s’est instillé partout et surtout chez ceux qui ont le plus de peine à joindre les deux bouts, qui peuvent se voir comme les perdants de la société d’abondance.

Des politiciens corrompus ? Tous pourris ?

Une autre petite musique s’est imposée peu à peu : un discours facile sur les politiciens corrompus, qui n’y vont que « pour l’argent ». Et c’est vrai qu’il y a quelques cas remarquables et incontestables ! Cahuzac, bien sûr, mais aussi le financement des campagnes de Sarkozy, les affaires troubles de Balkany. Pourtant, ces faits de corruption sont probablement moins nombreux qu’à d’autres époques, parce que nous sommes devenus plus exigeants vis-à-vis de nos élus.

Le FN a été le plus actif pour dénoncer la corruption : « tous pourris », prétendant garder « Tête haute, mains propres »... Qu’importe si depuis, les manipulations financières du FN ont intéressé la justice qui soupçonne le parti d’avoir mis en place un système pour se financer sur les fonds du Parlement européen.

La justice enquête aussi sur le financement des campagnes électorales du FN, législatives de 2012, régionales et départementales de 2015 : le parti fournissait à ses candidats des kits de campagne facturés au prix fort de façon à maximiser le remboursement des frais de campagne par l’état.

Quoi qu’il en soit, si la corruption existe, elle reste marginale. Et les lois successives, souvent portés par la gauche, ont clarifié les financements politiques. Durant le quinquennat de F. Hollande, la loi Sapin 2 a contribué à moraliser la vie politique. D’ailleurs l’association Transparency France a tiré un bilan positif de l’action de F. Hollande.

Malheureusement, le discours sur le tous pourris se diffuse toujours aussi bien à la terrasse des cafés que sur les réseaux sociaux ! La plupart du temps, par des gens qui sont manifestement proches de l’extrême-droite... Mais aussi, par des voix d’extrême-gauche. Faut-il rappeler ce slogan de la France insoumise (!) : On vote, ils dégagent ! Et de façon plus explicite, cette citation de J.-L. Mélenchon devant les étudiants de l’ESSEC : il dénonce cette « monarchie présidentielle » qui, « à l’époque du pognon généralisé », abrite cette « corruption qui petit à petit se généralise. » (à lire ici) C’est le même qui affirmait sans sourciller que le quinquennat de Hollande était pire que celui de sarkozy ?

L’Europe, source de tous nos maux ?

A entendre ces voix qui se prétendent la parole du peuple, l’Europe serait une des causes principales de nos malheurs ! Là encore, la convergence est forte entre les extrêmes. Mais écoutez les pontes des partis de droite : si l’agriculture est à la peine, c’est la faute à l’Europe – en dépit de toute réalité : où en serions-nous sans les débouchés européens... et sans les aides de la politique agricole commune ? Si notre industrie patine, c’est la faute à l’Europe... Ne leur dites pas que l’Europe nous a fait faire de vrais progrès, par exemple contre la corruption : eux-mêmes ou leurs pareils au parlement européen ont souvent voté contre ces évolutions positives.

La déclinisme, le malheur de la France

Le déclinisme est très à la mode : notre pays s’est affaibli, il va dans le mur ; c’est la catastrophe. Bien commode quand la misère des gens constitue le fonds de commerce des populistes : masquons les changements positifs – il y en a eu – exacerbons les difficultés, quitte à raconter des bêtises, comme on en a entendu lors du débat d’entre deux tours.

Les recettes faciles, yaka faukon

Bien sûr, pour faire face aux difficultés, ils ont des réponses faciles. Yaka Faukon. Yaka revenir au franc ; yaka fermer les frontières ; yaka augmenter les salaires, les retraites... Continuez vous-même la liste : c’est facile ! Ça vous permettra de rêver, de croire au Père Noël. Hors de saison, dommage !

Publié le jeudi 11 mai 2017, par Paul Paboeuf.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document