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Penser l’avenir de nos territoires autrement

Une conférence pour réfléchir et agir ensemble

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Jeudi 19 novembre, notre association Questembert Créative et Solidaire organisait sa deuxième conférence : Penser l’avenir de nos territoires autrement. Près de 70 personnes ont répondu à notre invitation pour écouter les intervenants Yves Le Bahy, Delphine Leroux, Vincent Haentjens et débattre avec eux.

L’être humain dans son écosystème

Yves Lebahy, homme de gauche, géographe, breton engagé (c’est ainsi qu’il se définit) a tout d’abord présenté sa vision de notre situation actuelle : des bouleversements d’une ampleur comparable à la révolution néolithique quand l’homme a cessé d’être un chasseur-cueilleur pour devenir agriculteur. Mais alors que la révolution néolithique s’est étalée sur des millénaires, celle que nous vivons se joue à l’échelle d’une génération.

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Y. Lebahy

La transformation est évidemment technologique mais elle trouve sa charpente philosophique dans le libéralisme. La conquête de la liberté, des libertés, face aux structures autoritaires de l’Ancien Régime – pouvoir concentré symboliquement dans la personne du Roi représentant de Dieu sur la terre – aboutit aujourd’hui à la disparition des enjeux collectifs au profits des projets et désirs individuels : il n’y a plus de projet de vie en commun.

Jusqu’à notre époque ou à peu près, les hommes se sont adaptés à leur territoire et leurs activités (vivre, produire, consommer, etc) se déroulaient à l’intérieur de ce même territoire. Dorénavant notre interaction avec le territoire est différente. Nous habitons ici, nous travaillons là, en dehors de notre territoire de vie et nous consommons un grand nombre de produits issus de l’importation (régionale, nationale et internationale). Notre dépendance au milieu est en apparence plus faible ; notamment dans les zones les plus urbaines. En conséquence, nous ne soucions presque plus de cet environnement, voire nous nous en désintéressons. Et malgré une migration urbaine et périurbaine toujours plus importante, la vie de la plupart de nos concitoyens n’est pas nécessairement satisfaisante. À titre d’exemple, 58% des habitants de l’Ile-de-France souhaiteraient vivre ailleurs.

D’autre part, le libéralisme a conduit à spécialiser les territoires dans une logique « minière » sacrifiant ainsi le « géo système » des territoires. Si l’on observe nos territoires bretons, cette logique minière se manifeste de deux façons :

L’approche écologiste restreinte qui consiste à considérer que l’homme est le problème n’est pas non plus adéquate car elle exclut alors celui-ci de la solution potentielle.

En parallèle de ces constats, les évolutions climatiques, conséquence de la révolution industrielle, vont à leur tour bouleverser la situation. Si la société ne change pas la gestion de son territoire que cela soit à l’échelle locale, régionale ou supérieure, le changement climatique à l’œuvre nous forcera à nous adapter autrement. Alors le modèle doit changer et nous devons nous positionner sur un usage plus endogène du territoire.

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Le public de la conférence

En d’autres termes, l’homme doit satisfaire ces besoins primaires de la manière la plus locale possible. (Eau, énergie, nourriture,…) En ce sens, la Bretagne a des atouts très importants.

La notion d’échelle est primordiale mais la notion de mise en œuvre également. Ces initiatives ou expériences de nouveaux modèles ne peuvent s’épanouir que dans le cadre d’un projet.

Guidé par cette utopie, ce projet doit également remettre en cause certaines représentations :

Les trois niveaux de développement sont primordiaux pour la réussite de cette transformation (communales, pays, région). Les modes d’élaboration et de décision de ces projets devraient également changer en y intégrant le citoyen.

Rendre possible et pérenne l’accès aux terres agricoles

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D. Leroux

L’association Terres de Liens, que représentait Delphine Leroux, s’inscrit pleinement dans les orientations définies par Y. Lebahy : rompre avec la gestion « possessive » de la terre agricole pour favoriser l’installation de nouveaux paysans qui redonne de la complexité au monde rural. Pour échapper à la spéculation liée à l’appropriation individuelle du sol, Terre de Liens, créée en 2003, a développé une stratégie de mise en commun de la terre : soit en propre avec la Foncière Terres de Liens, soit en accompagnement de Sociétés Foncières Citoyennes et Groupements Fonciers Agricoles. Le bilan est éloquent : environ 150 petites fermes ont été mises en route depuis la création de l’association.
Et malgré ces initiatives, la spéculation foncière fait rage : alors que le rapport de 1 installation de nouveau paysans pour 4 départ en retraite ou cessation d’activité, le prix du foncier n’a lui cessé de croître (+50% sur les 15 dernières années).

De plus, il est important de dire et re-dire que ces petites fermes réduisent l’impact énergétique de l’homme sur son territoire en favorisant les circuits courts, réduisant le gaspillage et baissant l’impact environnement de la production alimentaire.

Produire pour donner à manger : le défi alimentation positive

En parallèle de cette activité foncière, l’association est également partenaire d’une activité plus sociétale : c’est le lancement du Défi Alimentation Positive. Le défi consistera à accompagner des familles dans la transition vers une alimentation soutenable (biologique et durable). L’objectif est ainsi d’illustrer qu’il n’est pas plus coûteux de se nourrir de manière saine, locale et le plus neutre possible pour l’environnement.

Cette initiative en Pays de Vannes et de Ploërmel se décline aussi chez nous à Questembert  : elle a commencé au début décembre et se continuera jusqu’au mois de juin.

Dans ce projet de transformation des modes de vies, le Convertisseur Alimentaire disponible sur le web est également un bon outil d’éducation populaire pour modifier nos pratiques de consommation et notamment réduire la part de protéines animales. Ainsi s’est terminée la présentation de Delphine Leroux.

Réduire ses dépenses d’énergie : économies et achats groupés

Sur le thème de l’énergie, Vincent Haentjens a ensuite présenté l’entreprise Le Mulot en déroulant les constats qui l’on amené à s’engager dans cette activité.

Les habitants, notamment des pays occidentaux, ont accru de manière colossale leurs dépenses en énergie (alimentation, logement, bien de consommation divers). Ceci a été permis principalement grâce au faible coût de l’énergie fossile ; le prix du baril de pétrole est pratiquement stabilisé à 20$ en coût constant depuis le début de son exploitation.

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V. Haentjens

La comparaison avec nos ancêtres nous placerait chacun de nous à la tête d’un groupe de 300 esclaves nécessaires pour fournir le même travail.

Dès les années 70, quelques économistes ciblent le milieu du XXIème siècle comme le tournant et la fin probable de ce modèle énergétique. Face à cela, la révolution numérique, en marche depuis 40 ans et en explosion depuis le début du XXIème siècle, bouscule les « dinosaures » de l’ancienne économie. L’échelon local en réseau redevient un échelon possible et même vital de développement. Avec comme constat, déjà effectué dans les différentes expériences émaillant les territoires en Europe notamment, qu’un achat local génère 3 fois plus de revenus locaux qu’un achat déterritorialisé.

Le Mulot a donc mis en œuvre ces principes d’économie collaborative locale pour travailler sur deux thèmes : l’achat d’énergie et l’amélioration de l’habitat. En proposant un regroupement d’achat de bois (bûches ou granulés) et en favorisant le travail local et social, le bénéfice est ainsi triple:améliorer l’impact carbone de notre chauffage, pérenniser des emplois d’exploitation « forestière », réduire le coût des dépenses énergétiques.

Un débat riche avec le public

A la question du niveau pertinent d’action, M. Lebahy a précisé que, selon lui, le « pays » (de Vannes, de Ploërmel, de Redon) était, en Bretagne tout du moins, une maille plus pertinente que celle des intercommunalités.

Quelle est la bonne échelle pour les expérimentations et initiatives en matière de foncier ? Delphine Leroux a noté que l’intermédiation foncière n’avait pas vocation à perdurer. Un changement radical de la politique agricole commune nous sortirait du carcan actuel qui favorise les fermes de taille importante dont la rentabilité faciale est d’origine exogène. Elle précise alors l’activité de lobbying que l’association tente d’avoir aux différents échelons politiques auxquelles elle est confrontée.

Les modalités du changement ont été le troisième thème de discussion. Pour M. Lebahy, les initiatives et projets ne peuvent véritablement éclore que dans les zones d’ombre du système politique et économique actuel. Trop visible, une solution qui ne serait pas celle de la pensée principale n’aurait selon lui que peu de chance de survivre. Il a tout de même évoqué des exemples de transformations locales importantes (Le Mené en Côte d’Armor, Saillans en Isère, Groix en Morbihan) qui ont été menées ou sont actuellement en cours à une échelle visible.

Enfin, le débat a porté sur l’impact des migrations importantes que subissent nos littoraux. Avec un afflux important de populations de retraités à revenus élevés aisée et retraitée dans les zones côtières, l’impact sur les ressources et les paysages va devenir réellement insoutenable à moyen terme. Voir ici

Continuer la réflexion et l’action

En résumé, nous avons suivi un conférence très riche qui nous a fait prendre conscience de faits importants et d’actions concrètes pour redonner une taille humaine à l’agriculture et privilégier des modes de consommation plus raisonnables
Si l’action des politiques a été décriée, comme souvent, des perspectives apparaissent déjà au niveau local, comme nous le montrons dans notre association Questembert Créative et Solidaire  : collectivement nous pouvons commencer à changer les choses ; en mettant nos valeurs humanistes au cœur des préoccupations politiques de notre territoire, nous devrons élaborer, défendre et proposer un autre modèle de société.

Publié le jeudi 17 décembre 2015, par Boris Lemaire.




Post-scriptum

Je tiens à remercier ici Christèle et Ludovic Le Priellec, mais également Stéphane Batigne pour son soutien logistique et financier, l’Halle terre native pour le soutien moral et financier et enfin Jacqueline Le Léap pour toute l’organisation.

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