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Rythmes scolaires, une occasion gâchée

Le temps de l’enfant, le temps des adultes

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Nous avons parlé du retour à la semaine de 4 jours et de la suppression des temps d’activités périscolaires dans notre tribune du bulletin municipal de décembre. La municipalité a lancé en direction des parents une consultation sommaire, sans chercher à éclairer le débat. Le résultat était connu d’avance ! La municipalité pourra donc sans état d’âme faire quelques économies... Mais je suis surpris que ni les parents ni les enseignants n’aient pris la défense des cinq matinées d’école...

Le bon rythme pour apprendre...

Rappelons-nous – si on veut ne pas se mentir – que jusqu’au printemps 2013, il y avait un consensus sur l’ineptie de la semaine de 4 jours ! Et tout le monde, parents d’élèves et enseignants, reconnaissait que nos enfants avaient à la fois les journées les plus longues (6 heures) et l’année scolaire la plus courte, 144 jours contre une moyenne de 187 dans les pays de l’OCDE. Mais qui osera, sauf sur le papier, réduire la durée des vacances ? Alors, il semblait plus facile de proposer la semaine de 4 jours et demi...

Les spécialistes préconisaient une organisation de la journée qui se fonde sur les rythmes biologiques : le matin est favorable aux apprentissages, le temps du midi, le repas et juste après, l’est beaucoup moins (les bienfaits de la sieste !) et ensuite revient un moment plus productif ; voilà quelle était la base des nouveaux rythmes scolaires. Ce qui nous avait conduits à mettre en oeuvre la réforme dès la rentrée 2013, en ayant pleinement conscience que ce serait un chantier complexe.

Le consensus a volé en éclats quand il a fallu passer de la théorie aux travaux pratiques. Dès le mois de septembre 2013, le SNUIPP (syndicat des enseignants du primaire) diffusait un sondage qui montrait une opinion partagée : 49 % favorables à la semaine de 4 jours et demi et 47 % opposés. Un sondage bien commode pour justifier les réticences des professionnels.

Alors que, du côté des spécialistes du développement, on avait montré que la semaine de 4 jours était un « contresens biologique pour l’enfant », l’opinion inverse s’est vite imposée : les enfants pouvaient « se reposer » le mercredi matin. Et sans doute, passer la soirée du mardi soir devant la télévision.

Ajoutez à cela la nécessité de proposer des activités intéressantes et utiles pour le temps de la pause méridienne. Quelles activités ? Dans quels espaces ? Avec quels professionnels ? Et qui paiera ? Tout cela était bien difficile... Et donnait de bonnes raisons aux maires pour rechigner à la mise en œuvre de la réforme, même avec les financements finalement accordés par l’Etat. Et pourtant, les activités d’ouverture donnaient une chance nouvelle à ces enfants qui n’ont pas accès au sport, à la musique, à l’art, et qui n’ont pas forcément à la maison des parents disponibles pour l’aide aux devoirs.

Bricolages, reculades, avant le coup de grâce

De façon surprenante, le ministère n’avait pas imposé aux écoles privées cette organisation de la semaine. Sur ce point, il est intéressant de voir par exemple la protestation du SNUIPP 49 contre l’avantage accordé à l’enseignement privé. On aurait pu penser que le véritable avantage était du côté du public qui pouvait offrir une semaine plus équilibrée et plus productive à ses écoliers.

Puis, Benoît Hamon, devenu ministre, signe un « décret complémentaire » qui permet de regrouper les activités périscolaires en un seul après-midi ! Evidemment, le vendredi après-midi a été plébiscité... Belle victoire pour ceux qui ont pu ainsi bénéficier d’un week-end prolongé. Et tant pis pour le temps de la pause méridienne, pour l’étalement des apprentissages.

Enfin, au mois de juin dernier, le ministre Blanquer donne le coup de grâce avec son décret qui permet de revenir à la semaine de 4 jours... Mais c’est présenté comme un « élargissement du champ des dérogations à l’organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques » !

Il a bien raison le ministre : d’une manière très a-droite, il calme la grogne des élus locaux qui voient dans les Temps d’activités périscolaires une dépense trop lourde... et vous noterez qu’on n’a pas non plus entendu beaucoup de protestations du côté des professionnels. Invitée à la radio France Inter le 27 décembre, Fleurette Popineau, secrétaire du SNUIPP, n’a pas cru bon d’évoquer cette question.

Le ministre est habile, et sa position est juste !

Oui, sa position est juste ! Car il nous renvoie tous à nos responsabilités : que voulons-nous vraiment pour nos enfants ? Nous voulons qu’ils réussissent et que tous bénéficient des mêmes chances. C’est que veulent les parents pour leurs petits, c’est ce que prétendent apporter les maîtres qui enseignent et les élus qui mettent en place les conditions favorables pour tous. Alors devons-nous priver les écoliers de 33 matinées par an ? De l’équivalent d’une année scolaire entière sur les cinq années de l’école primaire ?

Nous pourrons toujours nous lamenter devant les résultats médiocres des écoliers français dans les évaluations internationales (PISA, ou PIRLS) si nous ne prenons pas les moyens de remédier à nos carences et de pallier nos handicaps ! Ne prétendons pas lutter contre les inégalités si nous privons nos enfants de la chance des activités d’ouverture, car seuls les plus aisés pourront offrir à leurs rejetons les cours particuliers de français ou de maths ou bien les formations artistiques et musicales, les activités sportives nécessaires à leur épanouissement.

La réforme des rythmes scolaires était une opportunité à saisir. Ce n’est plus qu’une occasion perdue. A chacun d’assumer ses responsabilités.

Publié le vendredi 19 janvier 2018, par Paul Paboeuf.

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