Le « vivre ensemble » à la sauce Nouvel Élan

Désormais, qu’on se le dise, le « vivre ensemble » sera évalué à l’aune de l’événement majeur « qui aura marqué les esprits dans notre commune » : la retransmission vidéo de la Coupe du monde de football sous les halles. Les « 300 à 500 personnes qui ont vibré à l’unisson devant chaque match des Bleus », les « moments d’émotion collective avec le sentiment d’être transportés dans les stades brésiliens », les « familles entières déguisées en supporters bariolés », la Marseillaise chantée « dans un même élan lors des prouesses de l’équipe de France », voilà donc ce qui se fait de plus marquant à Questembert...

Depuis le mois de mars dernier, ce serait donc le seul événement digne de mention par le maire à s’être déroulé dans la ville. Le Salon du livre Jeunesse, ses 5000 visiteurs, ses centaines de scolaires, ses dizaines d’auteurs ? Jamais entendu parler ? C’est vrai que Mme Martin y a à peine mis les pieds, et uniquement pour s’acquitter de ses obligations protocolaires.

La Fête de la musique, ses spectacles variés, adaptés à tous les âges et tous les goûts, ses foules venues de loin qui déambulent dans les rues bondées ? Jamais entendu parler ?

Les Festives Halles, connues et reconnues depuis de nombreuses années comme un incontournable rendez-vous des arts de la rue ? Jamais entendu parler ?

La foule pour les Festives Halles 2013

Mais ces événements culturels ont le malheur d’avoir été créés par l’équipe précédente, dont Mme Martin a dit pis que pendre pendant la campagne. Pire, les éditions 2014 ont été élaborées sous l’ancien régime. Difficile pour le nouveau maire de leur accorder le moindre crédit. Alors, Mme Martin préfère faire la réclame pour la retransmission vidéo d’un match de foot et parer cet « événement » de toutes sortes de vertus. Rendez-vous compte : « La chaîne de télévision TF1 ne s’y est pas trompée. Elle a consacré un reportage à notre ville pour l’originalité de sa démarche. » L’originalité de sa démarche ! Rêve-t-on ? Des centaines, des milliers peut-être, de communes ont eu la même idée « originale ». Le fait que TF1, racoleuse sous-chaîne sans cesse à l’affût de la beaufitude de la France profonde, ait tourné ses caméras vers notre ville est-il censé nous inonder de fierté ?

Mme Martin poursuit sa démonstration en annonçant que « cette expérience positive préfigure une autre façon de vivre notre ville : éviter les clivages et privilégier la convivialité en ces temps difficiles ». Pour l’évitement des clivages, c’est raté. Quant à la convivialité, elle ne se construit pas en chantant la Marseillaise devant un écran vidéo. Elle repose sur l’entraide, sur la collaboration, sur l’ouverture, sur le partage, sur la générosité , bref sur le « faire ensemble » plutôt que le « consommer ensemble ». Sur le sens collectif plutôt que le repli sur soi. Sur l’intérêt commun plutôt que les intérêts de quelques-uns.

« Mieux vaut des rues animées qu’un grand théâtre à moitié vide », dit encore Mme le Maire. Les rues animées par quoi ? Par les spectacles des Festives Halles et de la Fête de la musique ? Ou par les motoculteurs de la triste Foire commerciale du mois de septembre ?

Et de quel grand théâtre vide parle-t-elle ? Probablement de l’Asphodèle, unique salle de spectacles communautaire. Où a-t-elle vu une salle à moitié vide ? Que ce soit les spectacles pour enfants de Festimômes, les concerts classiques Questembert-Muzillac, les concerts modernes de tous genres ou encore les festoù-deiz du Camber, la salle est souvent pleine, voire archi-pleine. Samedi 26, la soirée de présentation de la saison 2014-2015 a fait salle comble et le spectacle musical et artistique qui a été offert a soulevé l’enthousiasme de tous. On n’a pas entendu chanter la Marseillaise, mais c’était tout comme ! Mme Martin y était, fonction oblige, accompagnée par l’adjoint à la culture, mais on a cherché en vain d’autres membres de l’équipe municipale. Il est un peu paradoxal de déplorer que l’Asphodèle soit à moitié vide (ce qui est totalement faux) sans y mettre les pieds. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il est à moitié vide...

Foire commerciale de septembre 2014

La clé de cet Édito surprenant survient dans les deux dernières phrases (pour ceux qui ont réussi à lire jusqu’à la fin) : « Les commerçants ont exprimé leur grande satisfaction. Nul ne s’en plaindra. » Ah, voilà ! Finalement, l’objet du fameux « vivre ensemble » n’est pas de favoriser une vie collective plus riche et plus harmonieuse, mais de satisfaire les commerçants. Au moins, maintenant, c’est clair !