Accueil > Du côté de Questembert > Finances > Collectivités locales, la Cour des Comptes joue le poujadisme

Collectivités locales, la Cour des Comptes joue le poujadisme

    Partager : sur Facebook, sur Twitter, sur Google+.

Nous devons tous avoir le plus grand respect de la Cour des Comptes, qui, au nom des citoyens, contrôle l’usage des deniers publics, comme le stipule la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en son article 15 : La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. La cour des comptes vient de rendre son rapport sur les finances des collectivités locales : Les collectivités sont trop dépensières. Voire, cela mérite un regard plus attentif, en ces temps où le populisme nous invite à refuser l’impôt.

La presse sonne l’hallali

Prenons juste le titre et le chapeau de l’article de 20 minutes : La Cour des comptes appelle les collectivités locales à réduire leurs dépenses. Son premier rapport sur les finances publiques locales publié ce lundi pointe notamment la progression excessive des dépenses de personnel... ou encore dans la Tribune : La Cour des comptes fustige la gestion du personnel. Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, juge qu’il « il existe des facteurs de déséquilibre résultant d’une progression des dépenses plus rapide que celle des recettes » dans les collectivités locales. Les dépenses de personnel sont dans le viseur de la Cour des comptes. La gestion aléatoire du temps de travail, l’absentéisme parfois important et l’absence de politique salariale claire sont dénoncés. On pourrait continuer, puisque presque toute la presse est à l’unisson. Haro sur les collectivités locales. Timidement, ici, Ouest-France note qu’une part de ces dépenses tient à des décisions prises au niveau national. Et en fin d’article, que la dette des Collectivités représente 10% de la dette publique totale... sans dire que c’est toujours sur des emprunts liés à des investissements durables, créateurs d’emplois, ni que ça contribue à créer de la richesse pour le pays (les collectivités assurent plus de 70% de l’investissement public).

Des recommandations qui s’entendent

La dépense, la gabegie, c’est tout ce que le grand public retiendra du rapport, quitte à grossir les traits, par exemple sur le temps de travail ou sur les avancements des personnels. Pourtant le rapport de la Cour des Comptes s’achèvent sur des recommandations que tous les élus de terrain peuvent entendre puisque, pour la plupart d’entre eux, ils sont déjà engagés dans ces directions : 23 recommandations sont formulées. Pour abaisser par exemple les dépenses de fonctionnement, elle formule plusieurs pistes d’économies chiffrées. Le rapport de la Cour plaide pour une rationalisation du patrimoine immobilier et des dépenses d’entretien, la recherche d’une politique d’achat plus efficiente en ce qui concerne les charges de gestion courante (29,7 milliards) et une meilleure coordination et une rationalisation des interventions économiques des différents niveaux de collectivités (5 milliards).

Un procès en sorcellerie

Ces recommandations, très pertinentes, ne changeront rien à ce que le grand public retiendra de ce rapport, tel que la presse en rend compte. Avec heureusement, quelques commentaires qui remettent les choses à leur juste place, comme cette chronique de Hubert Huertas sur France-culture : Collectivités locales : les absences de la Cour des comptes

Et maintenant les mairies, les départements et les régions. La Cour des comptes pointe les dérives présumées des collectivités locales, c’est-à-dire du maillon politique le plus proche de la population. Au nom des engagements européens de la France, elle exige des économies.

On dirait une couverture du magazine Le Point : « Les collectivités locales françaises doivent davantage participer à l’effort de redressement des comptes publics en particulier en maîtrisant mieux leurs dépenses de personnel » a souligné Didier Migaud, le Premier Président.

La cour dénonce, je cite, « la poursuite d’une hausse tendancielle des charges de fonctionnement, notamment de personnel » et critique les hausses de salaire ou la durée du travail.

Elle note aussi que « la dépense des administrations publiques locales représente plus de 20% des dépenses des administrations publiques »

En bref et en détail, ça coûterait, ça pèserait, ça gaspillerait, et l’opinion recevra ces remarques comme une preuve de gabegie, au moment où la question fiscale est devenue empoisonnée.

Elle entendra, puisque la Cour des comptes le dit ; que les dépenses locales « sont celles qui ont le plus progressé au sein des administrations publiques : 3,1 % en plus de l’inflation chaque année en moyenne depuis 1983 ».

Phrase extraordinaire, dans laquelle la rigueur comptable omet juste un détail. A partir de 1983 sont entrées en vigueur les lois de décentralisation, promulguée le 2 mars 1982, et cela a, un peu quand même, changé les choses.

A partir de là, les collectivités locales sont devenues, en plus de leurs activités dépensières, des acteurs de l’enrichissement du pays, en assurant, accessoirement, plus de 70 % de l’investissement public, donc en créant des millions d’emplois assurés grâce aux marchés offerts à des milliers d’entreprises.

A partir de là les collectivités locales sont également devenues le lien fragile, et souvent fragilisé entre l’Etat et les français, pour ce qui concerne leur vie quotidienne. Le RSA c’est les départements, comme l’aide aux personnes âgées, les trains, les routes, les écoles, les lycées, les cantines, les équipements sportifs, les aides aux associations, la culture, ce sont les collectivités locales.

Existe-il des gaspillages ? Forcément mais à la marge. Car encore un détail. Les villes, les départements, les régions sont soumises à une sorte de règle d’or. Elles n’ont pas le droit de présenter des budgets en déficit. Ainsi, et ce sont les chiffres de la Cour, l’endettement des administrations locales représente moins de 10% de l’endettement public.

Et leur déficit s’élève à 3% de l’ensemble des déficits publics. 3% cela représente 0,15 points de PIB…

Très peu de choses mais beaucoup trop selon la Cour des comptes, imperturbable, qui promène ses lumières comptables, comme des flambeaux, au dessus d’une opinion qui sent la poudre.

Publié le mercredi 16 octobre 2013, par Paul Paboeuf.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document